Secret​ ​médical​ ​et​ ​partage​ ​d’informations:​ ​quelle​ ​limite​ ​juridique​ ​?

Secret​ ​médical​ ​et​ ​partage​ ​d’informations:​ ​quelle​ ​limite​ ​juridique​ ​?

Publié le : 24/01/2020 24 janvier janv. 01 2020

Le secret professionnel, une longue histoire…

Si le respect du secret professionnel n’apparaît dans aucun texte de loi avant le début du XIXe siècle, (1810, art 378 – Code pénal), il s’applique tacitement aux médecins depuis l’Antiquité.

Le célèbre extrait du serment d’Hippocrate illustre ainsi la préoccupation ancestrale de la société pour garantir le droit à la vie privée de chacun: “Ce que tu as appris de ton malade, tu le tairas dans toute circonstance (…). Historiquement freiné par les autorités de contrôle craignant de voir leur pouvoir restreint, le secret professionnel se voit toutefois progressivement étendu aux prêtres puis aux avocats, avant d’être reconnu dans le code pénal de 1992 (loi Badinter) en tant que principe fondamental s’imposant à “toute personne qui en est dépositaire soit par état, soit par profession, fonction ou mission temporaire”. Nous sommes ainsi passé du secret médical à un secret professionnel étendu, et, sous certaines conditions légales, partagé. Doit-on alors craindre la dilution du secret ou au contraire se féliciter d’une sécurisation de l’information au bénéfice des individus ?

Approche​ ​juridique​ ​du​ ​secret​ ​médical

Le secret médical est prévu par le code de déontologie médicale, et sa violation est sanctionnée par les juridictions ordinales et civiles. Il s’agit également d’un principe fondamental institué dans le code pénal dont le non respect ne constitue pas seulement une faute mais une infraction. La révélation d’une information à caractère secrète n’est cependant pas punissable dès lors que:
  • Cela concerne des sévices ou des atteintes sexuelles sur mineur ou personne faible
  • Le professionnel de santé informe le Procureur d’informations préoccupantes relatives au mineur en danger ou qui risque de l’être
  • Elle provient d’un professionnel de la santé ou de l’action sociale informant le Préfet du caractère dangereux des personnes qui les consultent, pour elles-mêmes ou pour autrui
Pour autant, même avec la loi du du 4 Mars 2002 stipulant que le secret médical devient un droit pour le patient, les cas d’ouverture démontrent que le secret médical était déjà considéré comme partagé avec le professionnel de santé et les professionnels de l’action sociale. D’autre part, plusieurs entorses sont à relever:
  • Loi du 28/07/2011 sur les MDPH autorisant la communication d’informations à caractère secret.
  • Loi du 10/08/2011(Loi Fourcade) ; Le secret partagé est étendu à « l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements (établissement, réseau de santé ou tout organisme participant à la prévention ou au soins).” L’article précise que ce secret s’impose à tout professionnel intervenant dans le système de santé et non pas à tout professionnel de santé.
  • Possibilité d’échange prévue entre deux professionnels de santé sur un cas
  • Présomption irréfragable d’accord du patient pour l’ensemble de l’équipe de soins lors de la prise en charge dans un établissement de santé
Santé:​ ​Transmission​ ​des​ ​informations​ ​et​ ​droit​ ​d’opposition

Bien que l’extension de l’obligation au secret par la loi du 26 janvier 2016 ouvre le partage des données médicales aux non soignants (Établissements social et médico-social, AME, transports sanitaires de soins, Structures en charge de l’enfance, des personnes handicapées ou âgées*) notons que la transmission d’information reste soumise à l’article L1110 du Code de la santé publique : «Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d’exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.» ) Or, il est intéressant de relever qu’avec les nouvelles dispositions légales, la distinction ne fait plus entre “hors établissement de santé” et “en établissement de santé” mais entre “hors équipe de soins” ou “dans l’équipe de soins”. Tous les professionnels qui participent à la prise en charge du patient peuvent ainsi échanger les informations strictement nécessaires à la coordination et au suivi médico-social et social. En dehors d’une même équipe de soins, le partage d’informations se fait selon les conditions suivantes:
  • Utile à la protection sociale de la personne concernée
  • Nécessaire à la qualité et à la continuité des soins
  • Participe aux impératifs de veille sanitaire
Le recueil du consentement volontaire du patient doit cependant être effectué par tous moyens, y compris dans le dossier médical du patient. L’accord de l’individu sera alors réputé acquis pour chacun des membres de l’équipe de soins, mais le patient doit être préalablement informé et peut toujours exercer son droit d’opposition. On peut ainsi s’interroger sur le droit d’opposition d’un patient en établissement de santé incapable de manifester sa volonté.

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